-------------------COMPOSITION MUSICALE-------------------


"...des chants... à l'opéra de maldoror"


Plus d'un siècle après leur publication, l'univers et la force sombre des "Chants de Maldoror" continuent à exercer une influence notable sur les musiciens les plus originaux de ces dernières années.

Se rappelle-t-on que Jim MORISSON, le sulfureux chanteur des "DOORS", est enterré au Père Lachaise, à Paris, avec l'exemplaire des "Chants de Maldoror", retrouvé sur sa table de chevet, le soir de sa mort ?

Serge GAINSBOURG donna à Jane BIRKIN, avec "Et quand bien même", une de ses plus belles chansons ("… Lautréamont… les chants de Maldoror… tu n'aimes pas… moi j'adore…" en était le refrain).

Plus près de nous, Laurent BOUTONNAT revendique complètement l'œuvre d'Isidore DUCASSE dans son climat musical et surtout dans l'univers vidéo des clips qu'il réalise pour Mylène FARMER.
Nul doute que l'ambiance générale de l'œuvre, sombre et sulfureuse, les violences des imprécations et des images, la révolte permanente érigée en système, inspireront encore pendant plusieurs décennies bon nombre de groupes de rock ou de musiques actuelles. Pourtant, s'attacher à ce seul aspect de l'œuvre de LAUTREAMONT, serait faire peu de cas du texte lui-même, de son extrême musicalité.

En lisant "les Chants de Maldoror", tout lecteur est immédiatement envoûté par une sorte de "pulsation rythmique" qui sourd peu à peu des différentes strophes : le phrasé se déroule comme modulé par des allitérations ou des martèlements de mots, des consonances soigneusement choisies se répondent, se répètent, s'entrecroisent, des litanies reviennent en leitmotiv obsessionnel ("je te salue, vieil océan", par exemple).

Plus curieusement, un grand nombre de séquences de 12 pieds se camouflent dans de nombreux recoins du texte, faisant brusquement résonner des alexandrins de facture classique, au milieu de phrases déstructurées. Et aussi, ces enchaînements de périodes amples, longues, se déroulant avec sérénité, brutalement interrompues par des interjections, des adresses soudaines au lecteur, comme si Louis Ferdinand CELINE surgissait dans l'œuvre de Marcel PROUST !!

Peu à peu, au fil de la lecture, se précise l'étrange impression que le texte a été plus parlé, psalmodié, articulé, qu'écrit au fil de la plume. Impression confirmée par des éléments biographiques. On y apprend, qu'au moment de la rédaction de la deuxième partie des "Chants de Maldoror", ses voisins d'hôtel se plaignaient de ce "jeune homme bizarre, passant ses nuits à hurler ses "prosopopées", en plaquant des accords sur son piano".
Au-delà du pittoresque de l'anecdote, ce témoignage est très précieux sur le soin extrême qu'Isidore DUCASSE apportait au rythme et à la prosodie de son écriture. Grande était alors la tentation de restituer, de "s'essayer" à rendre charnel, dans le cadre d'un spectacle vivant, cet aspect des "Chants de Maldoror". Et c'est bien connu, les artistes cèdent vite à la tentation !!

La forme musicale choisie s'est très vite imposée comme "quelque chose" qui avait à voir avec l'opéra, non pas au sens classique du terme, mais un opéra de forme contemporaine, dans lequel se retrouveraient, toutefois, les éléments traditionnels de ce genre : utilisation permanente de la voix humaine sous toutes ses formes; musique présente sur la totalité du spectacle; thèmes musicaux immédiatement repérables comme "structures" de l'œuvre; dramatisation à l'extrême des sentiments et des situations; images scéniques se fondant dans une mise en scène et non un
concert…

A partir de cette intention, "les Chants de Maldoror", devenus "OPERA", font l'objet de la création d'une partition originale, intégrant différents types d'écriture musicale, s'appuyant en cela sur la démarche personnelle et les riches expériences professionnelles de deux musiciens, ouverts sur des époques (du XVIIème siècle baroque à l'électro-acoustique) et territoires différents (Afrique, Asie, Extrême Orient), et possédant une grande maîtrise du spectacle vivant.

Cette œuvre musicale, entièrement écrite autour de 4 grands thèmes se développant, au fil du spectacle, en variations mélodiques, mélopées, leitmotiv, reprises de thèmes selon les tableaux, a aussi en souci constant de préserver une souplesse d'exécution suffisante pour permettre aux voix et aux jeux d'acteur de s'insérer, selon les émotions dégagées, dans les séquences musicales, et ainsi, de réaliser la fusion totale, en direct, entre les différents éléments scéniques


La musique d'"OPERA DE MALDOROR" prend ses racines dans les couleurs de la "world music", en recherchant prioritairement l'apport de l'étrangeté des sonorités : mugissements surgissant des profondeurs des ventres chauds d'énormes cloches chinoises ou vaudoises, chants de la terre avec des percussions à base de paille, de bois et d'argile, martèlement obsédant du "cajon", crissements d'archet sur l'acier ou le bronze, frottements tendus sur les peaux du "bendir", bercements des "sanzas", cristal céleste de jeux de cloches, grondements telluriques de la harpe béninoise amplifiée… sans pour autant négliger des mélodies ou berceuses à la guitare, recomposées aux accents inquiétants de Ry COODER, des fracassements flamencos, s'alliant à des murmures, des cris, des mélopées de flûte…

André FERTIER propose, dans cette œuvre, la foisonnante richesse d'une musique originale dans la multitude de ses thèmes et de ses improvisations, étonnante dans sa force, charnellement mêlée, fondue au jeu des acteurs comme un souffle chaud sur des braises, couvant le feu qui jaillira des comédiens habités par le verbe exceptionnel de LAUTREAMONT.


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